L'isotherme d'adsorption

Qu'appelle-t-on isotherme d'adsorption (ou de désorption) ?

Une isotherme d'adsorption est la courbe reliant l'activité de l'adsorbat contenu dans une atmosphère donnée et connue à la quantité d'adsorbat adsorbée sur un solide en équilibre avec cette atmosphère.

•La quantité d'adsorbat...

La quantité d'adsorbat adsorbée sur le solide est souvent exprimée en fonction du domaine ou de l'application dont il est question : dans une opération de séchage d'eau contenue dans un solide divisé, on l'exprime en terme de teneur en eau (\({\rm kg}\) d'eau/ \({\rm kg}\) de solide sec), en séchage de boues on parle plutôt de siccité (\({\rm kg}\) solide sec/ \({\rm kg}\) de produit humide), lors de la détermination d'une surface spécifique par adsorption gazeuse on parle de volume adsorbé (\({\rm cm^3}_{\rm STP}/{\rm g}_{\rm solide}\)) ou de moles adsorbées (nombre de moles/\({\rm g}_{\rm solide}\)).

•L'activité de l'adsorbat...

Définissons également l'activité de l'adsorbat adsorbé à la surface du solide et en équilibre avec sa vapeur contenue dans l'atmosphère environnante. L'activité \(a_i\) d'un composant i en équilibre avec sa vapeur est donnée par l'égalité des fugacités en phase liquide et en phase vapeur, soit par la relation :

\(a_i=\gamma_i . x_i = \frac{\varphi_i y_i P}{f_{iL, \textrm{pure}}}\)

\(x_i\) est la fraction molaire du solvant adsorbé, \(\gamma_i\) est son coefficient d'activité , \(f_{iL, \textrm{pure} }\) est la fugacité de \(i\) en phase liquide lorsqu'il est pur, \(y_i\) est la fraction molaire du solvant dans la phase gaz de pression totale \(P\), et \(\varphi_i\) est le coefficient de fugacité de \(i\) en phase gaz. En général, les approximations réalisées sont les suivantes : le composant \(i\) adsorbé est considéré comme pur (ceci n'est pas vrai s'il y a possibilité de dissolution d'un sel) donc \(x_i\) vaut alors 1 ; la phase gaz se comporte comme un gaz parfait, \(\varphi_i\) vaut alors 1 et \(y_iP = P_i\), pression partielle de \(i\) ; à pression modérée la fugacité du liquide pur est considérée égale à sa pression de vapeur saturante (on néglige le terme de variation du volume molaire liquide avec la pression) \(P_{\textrm{sat}, i}\). Ainsi la relation ci-dessus donne la relation suivante :

\(a_i = \frac{P_i}{P_{\textrm{sat}, i}}\)

Cette relation définit également l'humidité relative, \(H_r\).

• La notion d'équilibre...

L'isotherme d'adsorption est le fruit de mesures expérimentales et, en tant que tel, elle n'est pas parfaite : les différents points mesurés sont fonction de l'estimation que l'on aura pu faire de l'équilibre thermodynamique. Cette estimation dépend fortement des possibilités de l'appareillage utilisé. Il est donc incontournable que l'isotherme de sorption dépend de la méthode expérimentale avec laquelle elle a été obtenue, illustration :

Comparaison de méthodes de détermination d'isothermes de sorption sur une membrane (Polyetherblocamide (a), sur une boue secondaire de station d'épuration (b) [Arlabosse, 03]. | IMT Mines Albi | Informations complémentaires...Informations
Comparaison de méthodes de détermination d'isothermes de sorption sur une membrane (Polyetherblocamide (a), sur une boue secondaire de station d'épuration (b) [Arlabosse, 03].Informations[2]

Le déroulement théorique d'une isotherme d'adsorption

Les premiers sites à être remplis, à basse pression, sont ceux de plus forte énergie d'interaction. Ces sites, sur une surface de nature homogène sont ceux situés dans des pores étroits où les potentiels des surfaces qui se font face se « recouvrent ». D'autres sites de surface à haute énergie sont les angles où la molécule d'adsorbat peut interagir sur plusieurs faces à la fois. Ensuite sont remplis les sites de moindre énergie et commence un « remplissage » de la surface du solide sous la forme d'une monocouche de molécules d'adsorbat. Puis commencent à se former des multicouches.

Donnons un exemple d'isotherme à la vapeur d'eau, donnant la teneur en eau du solide en fonction de l'activité de l'eau :

Les différentes régions d'une isotherme d'adsorption. | IMT Mines Albi | Informations complémentaires...Informations
Les différentes régions d'une isotherme d'adsorption.Informations[4]

On retrouve sur une isotherme de ce type les différents « types » d'adsorbat vis à vis de leur interaction avec le solide suivant la région de l'isotherme où l'on se trouve :

  • dans la région où \(a_w = 1\), l'eau (ou un solvant quelconque) est considérée comme libre ou contenue dans des macrocapillaires (rayon de pore \(> {100}{\, \rm nm}\)). Elle n'interagit pas avec la surface. Pour un tel solvant, la pression de vapeur en équilibre est donc la pression de vapeur saturante qui peut être décrite par une loi type loi d'Antoine (provenant de l'intégration de la relation de Clapeyron) en fonction de la température (soit \(\ln \left( P_{ \rm sat} \right)= A-B/T\), \(A\) et \(B\) constantes).

    Ensuite, les régions \(A\), \(B\), \(C\), \(D\) sont les régions où l'eau est adsorbée sur le solide et où l'adsorption ne fait intervenir que des interactions physiques type interactions de Van der Waals.

  • la région \(A\) est le domaine de l'eau osmotique où l'on peut avoir des substances dissoutes (lorsque \(x_i \neq 1\)). Cette eau est très faiblement liée à la surface.

  • la région \(B\) est la région où l'on a de l'eau condensée dans des microcapillaires. Cette eau constitue une phase continue et obéit à la loi de Kelvin que l'on peut exprimer par :

    \(\ln \left( \frac{P_{v,r}}{P_{v,\infty}}\right)=-\frac{V_l P_c}{RT}=-\frac{2\sigma V_l}{RTr}=-\frac{Q_{\rm cap}}{RT}\)

    Cette relation 3 est valable pour un capillaire de rayon \(r\) ; le ménisque formé est sphérique ; la phase gaz est considérée comme un gaz parfait. La pression capillaire \(P_c\) est égale à \(P_{\rm gaz} – P_{\rm liquide}. V_l\) est le volume molaire de la phase liquide et \(\sigma\) la tension interfaciale. À titre d'exemple, pour un pore rempli d'eau à \({20}{\, \rm ºC}\), de rayon \({10}{\, \rm nm}\), \(P_c = {148}{\, \rm bars}\) et \(Q_{\rm cap } = {266}{\, \rm J/mol}\) (à comparer à la chaleur latente d'évaporation de l'eau, \(L_v \approx {45000}{\, \rm J/mol}\)).

  • la région \(C\) est le domaine de l'eau adsorbée sous forme de multicouches. La pression de vapeur est donnée par :

    \(\ln \left({\frac{P_v}{P_{\rm sat}}}\right) = -\left({\frac{Q_{\rm sorp}}{RT}}\right)\)

    À titre d'exemple , la chaleur de sorption \(Q_{\rm sorp}\) pour de l'eau et pour \(a_w = 0,4\) à \({20}{\, \rm ºC}\), est de l'ordre de \({2200}{\, \rm J/mol}\).

  • la région \(D\) est le domaine de l'eau adsorbée sous forme de monocouche. Elle obéit à la relation précédente.

  • la région \(E\) est la région où il peut y avoir de l'eau adsorbée non plus simplement par adsorption physique (elle est dans tous les cas très fortement liée, par des liaisons hydrogène par exemple) mais aussi par adsorption chimique (c'est alors de l'eau de constitution). C'est de l'eau d'hydratation difficile à ôter du solide.

L'isotherme d'adsorption : reflet du comportement d'un solide vis-à-vis d'un adsorbat

L'isotherme d'adsorption est ainsi le reflet des interactions entre un solide et un adsorbat. On admet généralement la classification suivante :

Classification généralement admise des isothermes d'adsorption/désorption. | IMT Mines Albi | Informations complémentaires...Informations
Classification généralement admise des isothermes d'adsorption/désorption.Informations[6]
  • type I : présence d'un plateau horizontal jusqu'à saturation\( P/P_0=1\). Ce type d'isotherme est caractéristique du remplissage de micropores (de dimension moléculaire, \(Ia\), ou de dimension plus élevée, \(Ib\)) à faibles pressions relatives, souvent décrit par une isotherme de Langmuir. Ici, il peut y avoir de fortes interactions en jeu (éventuellement chimisorption). C'est une adsorption essentiellement monomoléculaire.

  • type II : ces isothermes sont très répandues, pour des solides non poreux ou macroporeux. Le fait qu'il n'y ait pas de point \(B\) clairement identifiable (correspondant au remplissage d'une monocouche), et une montée continue de la quantité adsorbée est le signe d'une hétérogénéité énergétique de la surface vis à vis des interactions adsorbat/adsorbant. Contrairement au cas où un point \(B\) est identifiable, ici il y a superposition de l'adsorption monocouche et multicouche.

    On distingue le type \(IIa\) qui est une isotherme réversible sur une surface externe stable et le type \(IIb\) qui peut être obtenu pour des agrégats ou des particules en feuillets présentant des pores en fentes non stables.

  • type III : ces isothermes correspondent à des solides non poreux ou macroporeux, caractéristiques de faibles interactions adsorbat/adsorbant comparées aux interactions adsorbant/adsorbant (surface/surface). L'adsorption est plus facile sur la première couche adsorbée que sur la surface. La constante \(C\) de la théorie BET reste inférieure à 2.

  • type IV : Ici il y a remplissage de mésopores et condensation capillaire dans les pores. On verra que ce type d'isotherme peut présenter différents types d'hystérèses : \(H1\) (type IVa) où les branches d'adsorption et de désorption sont quasiment parallèles, \(H2\) (type \(IVb\)) où la branche de désorption présente une plus grande pente que la branche d'adsorption. Le type \(IVc\), peu fréquent, ne présente pas d'hystérèse et est complètement réversible ; il serait dû à des pores cylindriques, monodisperses.

  • type V : Ici il y a remplissage de mésopores et condensation capillaire dans les pores, comme pour le type \(IV\), mais les interactions adsorbat/adsorbant sont plus faibles.

  • type VI : Ce type d'isotherme en « marches » est très rare : il ne se rencontre que pour des surfaces très homogènes.

L'isotherme d'adsorption : de nombreux modèles existent pour la décrire

Il existe de nombreux modèles permettant de décrire, au moins sur une portion, une isotherme de sorption. Les plus connus et utilisés sont les modèles corrélatifs de type adsorption, par exemple le modèle de Langmuir qui est à la base du modèle BET dont la validité a été étendue à tout le domaine d'activité par le modèle de GAB. On a aussi des modèles corrélatifs de type solution comme le modèle de Flory-Huggins ou ENSIC utilisés pour la sorption dans des polymères par exemple. Nous ne les présenterons pas plus en détail ici, mais on pourra trouver des bases sur les modèles principaux dans des références telles que [Hunter, 01][7] ou [Lowell, 91][8]. Il existe également aujourd'hui des modèles moléculaires d'adsorption basés sur la mécanique statistique des fluides confinés, qui demandent une bonne connaissance des caractéristiques physico-chimiques de l'adsorbant et dont la validité est dépendante de la précision de la description des potentiels d'interaction fluide-solide et fluide-fluide [Nicholson and Pellenq, 98][9], [Steel and Bojan, 97][10]. Une alternative à ces modèles moléculaires est la théorie DFT, density functional theory, basée sur la dérivation du profil de densité du fluide près d'une surface solide dont découlent les autres calculs dont celui de l'isotherme d'adsorption [Gubbins, 97][11].

L'isotherme d'adsorption/désorption : l'hystérèse, reflet de la mésoporosité du solide

La condensation capillaire s'accompagne d'une hystérèse : les phénomènes d'adsorption et de désorption se font généralement hors équilibre, lorsque le système est dans un état métastable (ceci est plus vrai pour l'adsorption que pour la désorption). L'état d'équilibre serait un état entre les deux. De plus l'hystérèse peut être directement liée à la forme des pores (« bouteilles ») ou à la structuration des pores (interconnections).

Àdes pressions relatives au-delà de 0,3 (pression à laquelle la monocouche est souvent complète), de Boer a identifié 4 types d'hystérèses qu'il a corrélées à différentes formes de pores.

Classification des hystérèses d'adsoprtion/désorption. | IMT Mines Albi | Informations complémentaires...Informations
Classification des hystérèses d'adsoprtion/désorption.Informations[13]

De manière générale, lorsque l'on atteint un palier à haute pression relative, l'hystérèse est bien due à une condensation capillaire dans des pores (type H1 et H2).

Dans le type H1, les branches d'adsorption et de désorption sont quasiment parallèles. La branche de désorption est la plus stable et la loi de Kelvin s'y applique mieux. Ce type d'hyterèse se trouve pour des adsorbants ayant une distribution de pores cylindriques.

Lorsque la désorption est très lente à son début (type H2), cela peut être dû à des pores en forme de bouteille et/ou à des pores de formes différentes interconnectés : la désorption y est alors retardée jusqu'à ce que l'évaporation puisse se produire dans l'entrée étroite du pore ou aux interconnections. Ici les branches ne sont plus parallèles : sur l'adsorption , on aura le phénomène de condensation capillaire dans les pores les plus larges, sur la désorption , on aura le phénomène de condensation capillaire dans les pores les plus étroits.

Lorsque l'on a pas de palier en fin d'adsorption (type H3), les hystérèses sont alors fortement dépendantes des conditions expérimentales, notamment du seuil de saturation . D'autre part, souvent elles ne correspondent pas à une porosité rigide : on obtient par exemple ce type d'hytérèse pour des agrégats, des particules en forme de plaquettes ou de feuillets gonflant sous l'effet de la condensation capillaire.

Le type H4 ne présente pas non plus de palier et peut être obtenu pour des particules sous forme de feuillets. Dans ce cas, il y a coexistence d'une forte microporosité.

Pour les types H3 et H4, l'hystérèse dépendant des conditions expérimentales, on peut veiller aux choses suivantes :

- il faut aller assez haut en saturation et voir si l'hystérèse se stabilise ou non. Parfois, on peut alors voir un point d'inflexion dans les fortes pressions relatives, ce qui montre que l'on a bien dans ce cas une mésoporosité de taille élevée ; ceci est alors à confirmer si possible par une porosimétrie au mercure.

- Si l'hystérèse s'arrête tout juste à la pression relative inférieure limite, soit 0,42 pour l'azote et 0,28 pour l'argon, il faut rester méfiant : elle pourrait être due à un artefact et non à une mésoporosité (voir s'il y a parallèlement présence d'une microporosité)

- Pour le type H3, il faut vérifier que la surface cumulative calculée avec la distribution de taille des pores soit au plus égale à la surface surface BET.

- On peut aussi dans certains cas avoir dans une même hystérèse superposition de deux informations qu'il faut alors découpler : la présence de feuillets ou d'une structure instable et la présence d'une mésoporosité.

Pour tous les types d'hystérèses et d'un point de vue expérimental :

- Vérifier qu'elles s'arrêtent bien au-dessus ou à la limite physique de pression pour chaque gaz : 0,42 pour l'azote, 0,28 pour l'argon.

- Si la branche de désorption ne rejoint pas la branche d'adsorption, il peut y avoir un problème cinétique dû à la présence de micropores ou bien un problème d'erreur cumulative (trop de points)

- Si la branche de désorption passe en-dessous de celle d'adsorption, il peut y avoir problème d'erreur cumulative, ou bien réchauffement de l'échantillon, ou bien fuite.

- S'il y a des cassures qui semblent un peu brutales sur l'hystérèse, il peut y avoir un problème de temps d'équilibre trop court : refaire l'analyse avec un temps d'équilibre plus long.