Détermination d'isothermes d'adsorption de gaz par une technique manométrique

Principe de la mesure

Les explications données par la suite se réfèrent au fonctionnement de l'appareil ASAP 2010, Micromeretics, USA :

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Appareil ASAP 2010, Micrometrics, USA ; postes de dégazage et d'analyseInformations[2]

Un volume de gaz de température et de pression connues est envoyé sur l'échantillon préalablement dégazé. On fixe une consigne de pression dans la cellule de mesure. Un test d'équilibre sur un temps fixé va ensuite être effectué. Si le test est passé, la quantité de gaz adsorbée est calculée à partir de la différence de pression dans la cellule de mesure avant et après l'équilibre. Dans le cas particulier d'un échantillon microporeux, on peut envoyer des micro-volumes de gaz. Un micro-volume de gaz est introduit (par exemple \({3}{\, \rm cm^3} \textrm{ STP}/{\, \rm g}_\textrm{échantillon}\)), une mesure de la pression est réalisée. Un critère de variation de pression est ensuite testé sur le temps d'équilibre préalablement fixé.

Un des principes les plus courants et les plus simples est schématisé ci-après :

Protocole de mesure discontinue

Les différentes étapes successives de cette mesure sont :

  1. introduction de l'échantillon préalablement préparé dans la cellule et mesure de la masse (cf.notes 1 et 2 ci-dessous) ;

  2. dégazage sous vide de l'échantillon à température et temps fixés pour désorber toute impureté se trouvant à la surface. Lorsque de niveau de vide est stable, on remet à pression atmosphérique par remplissage de la cellule avec de l'hélium ;

  3. on pèse à nouveau l'échantillon ;

  4. on place la cellule sur le poste d'analyse et on dégaze une nouvelle fois l'échantillon avec mesure du volume mort à l'hélium, soit du volume de la cellule diminué de celui de l'échantillon. Cette mesure est faite à deux températures différentes, à la température de l'azote liquide généralement et à la température ambiante. Cette mesure de volume mort peut être réalisée indépendamment. (cf note 3) ;

  5. mise à la température d'adsorption, généralement la température de l'azote liquide, \({77}{\, \rm K}\). (cf note 4) ;

  6. envoi d'un volume de gaz dont la température et la pression ont été préalablement mesurées (cf. note5). Après un temps fixé pendant lequel l'équilibre va être testé selon un critère de variation de pression, deux possibilités existent :

    • le critère est vérifié, et le volume de gaz adsorbé est calculé à partir de la différence de pression mesurée avant et après la mise à l'équilibre. Ainsi, la précision de l'isotherme d'adsorption est directement reliée à la précision de la mesure de pression ;

    • le critère n'est pas vérifié, du gaz est réintroduit pour atteindre la pression de consigne et le critère est à nouveau testé. (cf. note 6).

  7. mesure du volume de gaz adsorbé ;

  8. renouvellement des étapes 5 et 6 jusqu'au dernier point d'adsorption voulu ;

  9. étapes de désorption similaires aux étapes d'adsorption, en sens inverse ;

  10. échantillon dégazé et remis à pression atmosphérique

Les principaux paramètres opératoires vont être ici la quantité du volume de gaz pour chaque envoi élémentaire et le nombre de points expérimentaux. La quantité du volume de gaz est fonction de la capacité d'adsorption de l'échantillon. De plus l'erreur est cumulative d'un point expérimental à un autre.

Pour un échantillon inconnu, on fera une première analyse exploratoire qui permettra d'adapter éventuellement les paramètres opératoires, voire le gaz choisi pour l'analyse, pour une seconde analyse qui sera celle que l'on conservera (cf. note 7).

Ce protocole est par exemple celui utilisé sur l'appareil ASAP 2010, Micromeretics, USA.

Notes importantes

Note 1 - La préparation de l'échantillon avant analyse : le dégazage

Celui-ci est extrêmement important pour obtenir des analyses reproductibles. Il est nécessaire de façon à ôter de l'échantillon toutes les espèces physisorbées durant son stockage, de l'eau, du \(\ce{CO2}\) par exemple. Ce dégazage se fait classiquement par une mise sous vide de l'échantillon (à titre d'exemple, vide de l'ordre de \({5}{\, \rm \mu m \, \ce{Hg}}\)), à température contrôlée. Il faut ici faire attention à ce que la température choisie soit la moins dommageable possible pour l'échantillon. De plus, il faut faire attention à la mise sous vide lorsque l'on dégaze une poudre fine à cause des risques de soufflage de l'échantillon.

Une technique de dégazage intéressante a été mise au point par le laboratoire MADIREL, Marseille, l'analyse thermique à vitesse contrôlée (ATVC) [Rouquerol, 89][3]. L'échantillon est mis sous vide et la montée en température est contrôlée en fonction de la vitesse de dégazage de l'échantillon et de la pression résiduelle au-dessus de l'échantillon. Ceci permet d'éviter de trop fortes montées en température et une dégradation de l'échantillon.

Ici on donne le résultat de deux isothermes d'adsorption réalisées dans les mêmes conditions, sur un même matériau, un charbon, avec un même adsorbat, l'azote, mais les dégazages préliminaires sont différents :

  • Dégazage 1 : à \({100}{\, \rm ºC}\) pendant \({24}{\, \rm h}\)

  • Dégazage 2 : à \({250}{\, \rm ºC}\) pendant \({24}{\, \rm h}\)

Influence de la préparation de l'échantillon sur l'isotherme obtenue | IMT Mines Albi | Informations complémentaires...Informations
Influence de la préparation de l'échantillon sur l'isotherme obtenueInformations[5]

Note 2 - La quantité d'échantillon.

Cette quantité doit être suffisamment importante pour éliminer les erreurs expérimentales : on estime qu'il faut avoir au moins \({10}{\, \rm m^2}\) de surface dans la cellule quand on utilise l'azote, au moins \({1}{\, \rm m^2}\) si l'on utilise le krypton. Cette quantité ne doit pas être non plus trop importante, sinon l'on risque d'avoir des problèmes de dégazage (soufflage, etc) et des problèmes de gradient de pression et de situations hors équilibre.

Note 3 - Étalonnage à l'hélium

L'étalonnage ou mesure du volume mort (volume de la cellule - volume échantillon) ou volume de référence selon le modèle de Gibbs se fait couramment à l'hélium. Or, si le solide est microporeux, donc avec des pores de l'ordre de grandeur de la molécule, on peut avoir adsorption de l'hélium sur les surfaces à la température de l'azote liquide. La mesure du volume mort occupé par l'hélium s'en trouve donc perturbée (surestimée). Par la suite, lors de l'analyse avec l'azote, on risque d'avoir des volumes adsorbés négatifs, des pentes d'isothermes d'adsorption négatives, comme illustré ci-dessous :

Influence de l'adsorption d'hélium sur l'isotherme obtenue | IMT Mines Albi | Informations complémentaires...Informations
Influence de l'adsorption d'hélium sur l'isotherme obtenueInformations[7]

Pour pallier ce genre de problème, il faut réaliser un étalonnage externe : étalonnage de la cellule vide à l'hélium, mesure de la densité de l'échantillon au pycnomètre. Connaissant la masse de l'échantillon mis dans la cellule, on connaît alors son volume et on le retranche au volume de la cellule vide.

D'autre part, pour éviter tout problème lié à l'utilisation de l'hélium, lorsque l'échantillon est placé sur le poste d'analyse, on peut ne pas faire de « backfill » à l'hélium et laisser l'échantillon se dégazer un certain temps avant l'analyse à l'azote ou à un autre gaz.

Note 4 - Manométrie isotherme

Il faut se poser la question de savoir si l'échantillon est bien à température constante durant toute l'expérience, ce qui est peu probable si l'analyse est longue. Dans tous les cas, si l'on veut réaliser une adsorption à des pressions relatives proches de l'unité, il faut s'assurer que la condensation du gaz ne se fait pas en d'autres points avant qu'elle n'ait eu lieu sur la surface de l'échantillon. Ainsi, l'endroit où se trouve l'échantillon doit être le point le plus froid du montage.

Note 5 - Calibration des doses de gaz

La calibration des doses de gaz se fait via la calibration des capteurs de pression, du capteur de température et du volume (lui-même calibré via une bille métallique de volume connu).

Note 6 - Est-on bien à l'équilibre ?

L'équilibre d'adsorption peut prendre plusieurs heures. Par exemple, les temps d'équilibre peuvent être longs en début d'analyse quand l'on a des micropores car l'on a alors des phénomènes de diffusion d'autant plus lents que les pores sont petits. En cas de doute, il faut refaire l'expérience avec des doses de gaz plus faibles, au moins dans le domaine basse pression, ou des temps d'équilibre plus longs (ils peuvent aller jusqu'à 2-3 heures) : si les isothermes sont superposables, on est bien à l'équilibre.

Voici des isothermes de sorption de vapeur sur des échantillons de stéarate de magnésium réalisés sur la DVS, selon deux méthodes différentes:

  • Méthode 1 :

    Critère : \(\frac{dm}{dt} = {0,005}{\, \rm \% / min}\)

    test1 : durée sur laquelle le critère \(dm/dt\) est testé \(= {10}{\, \rm min}\)

    durée minimum de palier d'humidité si le test 1 n'est pas vérifié \(= {20}{\, \rm min}\)

    durée maximum de palier d'humidité sur lequel le critère sera testé \(= {360}{\, \rm min}\)

  • Méthode 2 :

    Critère : \(\frac{dm}{dt} = {0,005}{\, \rm \% / min}\)

    test1 : durée sur laquelle le critère \(dm/dt\) est testé \(= {10}{\, \rm min}\)

    durée minimum de palier d'humidité si le test 1 n'est pas vérifié \(= {100}{\, \rm min}\)

    durée maximum de palier d'humidité sur lequel le critère

Influence des critères d'équilibre sur l'isotherme obtenue (adsoprtion/désorption de vapeur sur du stéarate de magnésium) | IMT Mines Albi | Informations complémentaires...Informations
Influence des critères d'équilibre sur l'isotherme obtenue (adsoprtion/désorption de vapeur sur du stéarate de magnésium)Informations[9]

On voit ici que la méthode 1 avec des temps de palier plus faibles, donne des valeurs plus éloignées de la valeur d'équilibre que la méthode 2 ; ceci est d'autant plus marqué que le palier d'humidité relative est élevé.

Note 7 - Quel adsorbat utiliser ?

Gaz

Azote

Argon

Krypton

Encombrement d'une molécule couramment admis (\({ \rm nm^2}\))

0,16

0,138 (obtenu en extrapolant un état liquide à \({77}{\, \rm K}\))

0,152 (obtenu en extrapolant un état liquide à \({77}{\, \rm K}\))

\(T_m\) (\(\rm K\))

\(T_b\) (\(\rm K\)) (\({1}{ \rm atm}\))

63,1

77,3

83,8

87,3

115,8

119,9

Remarque quant à l'encombrement de la molécule.

le quadrupole de la molécule d'azote s'oriente en fonction de la structure de la surface (si elle interagit avec des groupes polaires tels que des groupes hydroxyles elle peut s'orienter « verticalement » et elle n'occuperait plus qu'une surface de \({0,112}{\, \rm nm^2}\).

Molécule symétrique et monoatomique.

Remarque quant à l'utilisation des gaz à la température de l'azote liquide,\({77}{\, \rm K}\)

L'état dans lequel se trouve alors l'argon reste mal défini : on ne pourra pas l'utiliser pour déterminer une distribution de taille de mésopores.

D'autre part, à \({77}{\, \rm K}\), l'isotherme d'argon est très sensible à toute modification de la structure de la surface, d'où un isotherme très fluctuant.

L'état dans lequel se trouve alors le krypton reste mal défini. On le suppose dans un état liquide : sa pression de saturation à \({77}{\, \rm K}\) est alors relativement faible (\(\approx {2}{\, \rm mbar}\)). On a ainsi moins d'imprécision avec le krypton qu'avec l'azote sur la mesure du volume gazeux non adsorbé, lorsque la quantité de gaz adsorbée reste faible.

Conclusion en terme d'utilisation de ces gaz

Le quadrupole permanent de la molécule d'azote assure une monocouche bien définie sur la plupart des surfaces. La seule exception importante est l'exposition à des surfaces comportant des groupes hydroxyles.

La disponibilité et le prix de l'azote sont des raisons supplémentaires pour en faire le gaz « standard » pour la mesure de surface spécifique.

Il est d'autre part mieux adapté pour des surfaces supérieures au \({\, \rm m^2/g}\).

L'argon peut être utilisé en parallèle à l'azote. L'idéal est de l'utiliser à sa température liquide. N'ayant aucune interaction spécifique avec la surface, son isotherme comparée à celle réalisée à l'azote, peut permettre de détecter des phénomènes annexes mesurés en plus de la porosité (surtout dans le domaine des faibles pressions relatives, domaine d'existence de la microporosité).

Le krypton, comme l'argon n'a aucune interaction spécifique avec la surface. D'autre part, sa faible pression de saturation à \({77}{\, \rm K}\) permet de mesurer avec une précision correcte (meilleure qu'avec l'azote) de faibles volumes de gaz adsorbés. C'est donc le gaz à utiliser pour des mesures de faibles surfaces spécifiques (\(< {5}{\, \rm m^2/g}\)). Cependant, la valeur de l'encombrement de la molécule à \({77}{\, \rm K}\) étant mal définie, ces mesures sont surtout valables de manière relative et ne sont pas à comparer directement avec des mesures à l'azote.

L'azote et l'argon ont été utilisés pour analyser un échantillon de noir de carbone. Les isothermes obtenues sont données ci-après

Influence de l'adsorbat utilisé sur l'isotherme obtenue | IMT Mines Albi | Informations complémentaires...Informations
Influence de l'adsorbat utilisé sur l'isotherme obtenueInformations[11]

Les surfaces spécifiques obtenues sont \({84}{\, \rm m^2.g^{-1}}\) (pour \({6}{ \, \rm m^2}\) mesurés au total, temps d'équilibre de \({30}{\, \rm s}\))) et \({70}{\, \rm m^2.g^{-1}}\) (pour \({14}{ \, \rm m^2}\) mesurés au total, temps d'équilibre de \({60}{\, \rm s}\)) pour l'azote et l'argon respectivement. La distinction entre ces deux isothermes n'est effective qu'aux hautes pressions relatives, au-delà de 0,8.

Quand ça ne marche pas, la rubrique "troubleshooting"

Concernant les résultats d'analyse, les problèmes les plus courants sont : des points sur l'isotherme négatifs, une branche de désorption qui ne rejoint pas la branche d'adsorption ou qui la rejoint en-dessous de la valeur de pression relative physiquement viable (0,28 pour l'argon, 0,42 pour l'azote) ou encore une branche de désorption qui passe en-dessous de la branche d'adsorption. Les causes les plus courantes de ces problèmes peuvent être :

  • Un écart à l'équilibre (procédure continue, temps d'équilibre trop courts) ;

  • Une erreur cumulative : trop de points expérimentaux sont demandés et il ne faut pas oublier que les erreurs se cumulent ;

  • Réchauffement de l'échantillon : fréquent pour des expériences longues ;

  • Problème cinétique dû aux micropores : lorsque ceux-ci génèrent une limitation au transfert de matière externe.