Historique

Lorsque l’on déforme un cristal au-delà de son domaine élastique, on voit apparaître à sa surface des lignes appelées traces de glissement (voir illustration ci-après).

Ces traces correspondent à de petites marches qui traduisent le glissement des plans cristallins les uns par rapport aux autres. Elles sont la manifestation du mouvement, sous l’effet des efforts mécaniques, de défauts linéaires présents dans le cristal : les dislocations.

Traces de glissement : micrographie électronique en transmission montrant des traces de glissement à la surface d'un polycristal Aluminium - Silicium - Magnésium (6056).
Informations[1]
Traces de glissement à la surface d'un super-alliage monocristallin déformé plastiquement et schématisation de ces traces à l'échelle atomique | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
Traces de glissement à la surface d'un super-alliage monocristallin déformé plastiquement et schématisation de ces traces à l'échelle atomiqueInformations[3]

Le concept de dislocation a pour origine le profond désaccord entre la théorie et l’expérience concernant la déformation plastique (permanente) des cristaux par cisaillement. La limite élastique théorique d’un cristal correspond à la contrainte la plus faible nécessaire pour obtenir la déformation plastique la plus petite possible. Sous l’effet d’une contrainte de cisaillement \(\tau\), on peut induire le déplacement relatif d’une partie du cristal par rapport à une autre suivant un plan compact (pour obtenir la plus petite déformation possible : une distance interatomique) et selon le schéma présenté ci-après.

Glissement suivant un plan compact | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
Glissement suivant un plan compactInformations[5]

Le travail de cette contrainte est égal au travail à exercer contre les forces de cohésion du cristal. Si \(a\) est le paramètre de réseau et \(x\) le déplacement relatif des deux parties du cristal, on peut représenter la relation contrainte-déplacement par :

\(\tau = \tau _0.\sin \left(2\pi x/a \right)\)\(\tau _0\) est la limite élastique théorique (voir Fig.). 

En faisant l’hypothèse de petites déformations et celle d’un comportement élastique linéaire, on a :

\(\tau  = \tau _0 . \left( 2\pi x/a \right)\) et le cisaillement \(\gamma = x/a\),

d’où :

\(\tau = \mu . \gamma = \mu . x / a = \tau _0 . 2\pi x / a\)

soit :

\(\tau_0 = \mu / 2\pi\)

(a) Cisaillement relatif de deux plans d'atomes dans un cristal déformé uniformément ; (b) Contrainte de cisaillement en fonction du déplacement relatif des plans par rapport à leur position d'équilibre. La droite en pointillés tangente à l'origine à la courbe définit le module de cisaillement | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
(a) Cisaillement relatif de deux plans d'atomes dans un cristal déformé uniformément ; (b) Contrainte de cisaillement en fonction du déplacement relatif des plans par rapport à leur position d'équilibre. La droite en pointillés tangente à l'origine à la courbe définit le module de cisaillementInformations[7]

Ce modèle théorique, ne tenant compte que des forces de cohésion, prévoit donc que le cristal se déforme plastiquement pour une contrainte typiquement de l’ordre du sixième du module élastique. Or, en pratique on constate que dans de nombreux cas, la déformation plastique intervient pour des contraintes beaucoup plus faibles d’un facteur pouvant atteindre 1 000 voire 10 000 ou plus (tableau ci-dessous).

comparaison du module de cisaillement et de la limite élastique.

module de cisaillement \({\rm (GPa)}\)

limite élastique \(\tau_0\)\(\rm (MPa)\)

\(\mu / \tau_0\)

\(\ce{Sn}\) monocristal

19

1,3

15000

\(\ce{Ag}\) monocristal

28

0,6

45000

\(\ce{Al}\) monocristal

25

0,4

60000

\(\ce{Al}\) pur polycristallin

25

28

900

\(\ce{Al}\) commercial écroui

25

99

250

Duralumin

25

360

70

\(\ce{Fe}\) doux polycristal

77

150

500

Acier au carbone traité thermiquement

80

650

120

Acier nickel-chrome

80

1200

65

En 1934, trois chercheurs, Taylor, Orowan et Polanyi, établirent indépendamment que la présence d’imperfections cristallines à l’intérieur des matériaux pouvait expliquer cette divergence. Dans ces conditions, le glissement relatif des deux parties du cristal ne se fait pas en bloc, mais grâce à la propagation de ces imperfections le long d’une direction et dans un plan donné, selon les directions et les plans les plus denses (voir Fig.). Leur déplacement peut alors provoquer une déformation même pour de faibles niveaux de contrainte.

Directions et plans de glissement dans les structures CFC, CC et HC | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
Directions et plans de glissement dans les structures CFC, CC et HCInformations[9]

Ces imperfections sont les dislocations. Ce sont des défauts linéaires qui se déplacent le long des plans atomiques. De tels défauts permettent une déformation plus facile car la majeure partie du cristal demeure inaltérée.

Les dislocations ont été observées pour la première fois vers 1950 par Hedges et Mitchell dans des cristaux d’halogénures d’argent. On observe aujourd’hui couramment les dislocations en microscopie électronique. Cette technique a été utilisée pour la première fois en 1956 par Hirsch, Horne et Whelan. Le déplacement des dislocations dans les cristaux peut être également visualisé en réalisant des expériences «in situ» consistant à reproduire, à l’intérieur même du microscope et grâce à une micro-machine de traction, un essai de déformation.