Introduction

Le fluage correspond à une déformation générée par la combinaison de trois éléments agissant de manière concomitante sur le matériau : la température, le temps et la contrainte. La contrainte est inférieure à la limite d’élasticité du matériau et la température est généralement constante. Le fluage est similaire à la fatigue en ce sens qu’il provoque des dommages irréversibles dans le matériau. La différence entre ces deux modes d’endommagement réside dans le fait qu’en fatigue c’est la fissuration qui provoque la rupture alors qu’en fluage c’est la déformation. Phénoménologiquement, si l’on soumet un matériau à une contrainte donnée, inférieure à sa limite d’élasticité, et si la température reste inférieure à la moitié environ de sa température de fusion (exprimée en Kelvin), alors la déformation imposée est entièrement restituée quand la charge est retirée. Le matériau est sollicité dans le domaine élastique. Au-dessus de cette température seuil, une déformation résiduelle, permanente est constatée dans le cas précis où la contrainte appliquée et/ou la durée d’application de la charge sont suffisantes (voir Fig.). Le matériau est sollicité dans des conditions où le fluage opère : une déformation, sous contrainte constante se produit, elle est évolutive dans le temps et peut conduire à la rupture.

Différence entre fluage et élasticité, importance de la températureInformations[1]

Sollicitation dans le domaine élastique

La force \(F\), i.e. contrainte \(\sigma\), est constante

  • À \(T_1\), pas de déformation permanente (pas de fluage)

  • À \(T_2\), la longueur de l’éprouvette augmente avec le temps jusqu’à la rupture (fluage)

La température seuil est \(T = 0.5 T_m\) (en Kelvin).

Le fluage traduit un comportement des matériaux à haute température, différent de la visco-élasticité pour laquelle aucune déformation permanente et aucune rupture n’interviennent (voir Fig. ci-après).

Phénoménologie du fluage | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
Phénoménologie du fluageInformations[3]

Quelques exemples :

  • Fluage des tuyaux en plomb sous leur propre poids à température ambiante. La température de fusion du plomb est \(T_F = {600}{\rm \, K}\), le fluage peut se manifester au-dessus de \({300}{\rm \, K}\) (\({25}{\rm \, °C}\)).

    (NB : pour \(\ce{Pb}\), la température ambiante est une «haute température»)

  • Fluage des filaments de tungstène dans les ampoules. La température de fusion du tungstène est \(T_F = {3695}{\rm \, K}\) \(({3422}{\rm \, °C})\) et la température de service des filaments dans une ampoule est \(0.7 T_F\) \(({2400}{\rm \, °C})\). Le fluage opère et se traduit par un affaissement des spires du filament qui conduit à un court-circuit.

    (NB : pour \(\ce{W}\), \({1000}{\rm \, °C} - {1500}{\rm \, °C}\) sont des «basses températures»)

  • Fluage des glaciers (\({-20}{\rm \, °C}\) / \({-30}{\rm \, °C}\)) ou de la banquise \(({-40}{\rm \, °C})\). La glace fond à \({0}{\rm \, °C}\) (\({273}{\rm \, K}\)). À \(0.5 T_F = {135}{\rm \, K}\) (\({-130}{\rm \, °C}\)), le fluage opère et se traduit par des déplacements.

    (NB : pour la glace, \({-20}{\rm \, °C}\) / \({-40}{\rm \, °C}\) sont des «hautes températures»)

  • Fluage des aubes de turbine dans les turboréacteurs. Les aubes sont élaborées en superalliage à base nickel \((T_F = {1400}{\rm \, °C})\) et travaillent, entre \({800}{\rm \, °C}\) et \({1100}{\rm \, °C}\), sous l’effet des forces centrifuges liées à la rotation du moteur générant des contraintes constantes. Les aubes périssent par fluage et sont spécifiquement dimensionnées pour résister à ce type d’endommagement (voir Fig. ci-après).

Aubes de turbine, température d’utilisation et fluage potentiel | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
Aubes de turbine, température d’utilisation et fluage potentielInformations[5]
  • Fluage des voilures aluminium dans les avions supersoniques (voir Fig. ci-après). La portance de l’avion est assurée par la différence de pression \(\Delta P\) établie entre la dépression provoquée par le flux d’air (rapide) à l’extrado et la surpression provoquée par le flux d’air (lent) à l’intrado. Le coin d’air statique se déplaçant avec l’avion s’échauffe par frottement sur les deux flux d’air, la température est : \(T_A = T_0 (1 + 0.2 M^2)\). Pour une température externe \(T_0 = {-55}{\rm \, °C}\) et une vitesse en mach \(M = 2\), \(T_A = {120}{\rm \, °C}\). C’est un domaine où les risques de fluage de l’aluminium sont réels, en conséquence les structures supersoniques sont fabriquées en titane.

Justification du choix du titane par rapport à l’aluminium pour les structures aéronautiques supersoniques | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
Justification du choix du titane par rapport à l’aluminium pour les structures aéronautiques supersoniquesInformations[7]