Propriétés liées à la structure

De nombreuses propriétés des cristaux, par exemple thermiques (température de fusion, chaleur spécifique, dilatation thermique, conductibilité thermique), mécaniques (compressibilité, module d’élasticité), électriques (résistivité électrique), magnétiques, sont liées à la nature de la cohésion de la structure cristalline et donc à l’énergie de cohésion du matériau.

D’autres sont déterminées par l’agitation thermique ou par la nature des défauts contenus dans le cristal.

Fragilité - ductilité

Dans les matériaux à liaisons covalentes, la forte directionnalité des liaisons fait que la position des atomes les uns par rapport aux autres ne peut guère varier. De tels matériaux soumis à une contrainte rompent généralement de façon fragile par bris des liaisons. Ce n’est pas le cas des matériaux à liaisons métalliques pour lesquels un déplacement relatif permanent des atomes les uns par rapport aux autres leur confère une certaine ductilité.

Conductibilité électrique et thermique

Les conductibilités électrique et thermique sont dues essentiellement à la possibilité de déplacement des électrons sous l’effet d’une différence de potentiel ou d’un gradient de température. Plus les électrons sont libres de se mouvoir (cas des matériaux à liaisons métalliques), plus ces grandeurs sont importantes.

Température de fusion - inertie chimique

La forte intensité des liaisons covalentes et ioniques conduit à des valeurs des températures de fusion importantes et à une grande inertie chimique       (\(\ce{MgO}\), \(\ce{Al2O3}\), \(\ce{SiO_2}\)).

Module d'élasticité

Quand on applique une contrainte sur un cristal, celui-ci se déforme. Si le cristal reprend sa forme initiale quand la contrainte est relâchée, la déformation est dite élastique. Dans le domaine élastique, la déformation est proportionnelle à la contrainte : ce comportement est régi par la loi de Hooke. Le rapport de la contrainte à la déformation est appelé module d’élasticité (exprimé en GigaPascals).

Dans le cas de la traction pure, la contrainte appliquée \(\sigma\) est la force par unité de surface et la déformation correspond en première approximation à l’allongement relatif \(\epsilon=\left(L - L_0\right) / L_0\)\(L\) et \(L_0\) sont respectivement les longueurs instantanée et initiale du cristal. La loi de Hooke s’écrit :

\(\sigma = E\epsilon\)

\(E\) est le module d’Young qui vaut 200 GPa pour l’acier, 100 GPa pour le cuivre, 70 GPa pour l’aluminium, 10 GPa pour le plomb. Notons que la même définition s’applique au cas de la compression.

Du point de vue microscopique, l’application d’une contrainte a pour effet d’écarter les atomes les uns des autres suivant la direction de traction : la contrainte travaille donc contre les forces de liaison interatomique. Quand la contrainte est relaxée, les atomes reviennent à leur position d’équilibre sous l’effet de ces forces. A priori, il est donc possible de calculer le module d’Young si l’on connaît les forces interatomiques. Considérons la courbe de l’énergie de cohésion \(U\left(d\right)\), au voisinage de son minimum \(U\left(d_0\right)\) qui correspond à l’équilibre. Pour écarter les atomes d’une distance \(u = d - d_0\), il faut effectuer un travail

\(\int \sigma (u) du = U (d) - U (d_0)\)

contre les forces de cohésion en appliquant la contrainte \(\sigma (u)\). Un développement limité de \(U\left(d\right)\) nous donne :

\(U (d) = U (d_0) + \frac{1}{2} u^2 {\left(\frac{d^2U}{dd^2}\right) }_{d_0} + ...\)

puisque la dérivée première en \(d_0\) est nulle. La contrainte appliquée vaut :

\(\sigma (u) = \frac{dU}{du} = u {\left(\frac{d^2U}{dd^2}\right) }_{d_0}\)

On retrouve bien la loi de Hooke :

\(\sigma (u) = M \left( \frac{u}{d_0}\right)\)

avec un module \(M\) proportionnel à la dérivée seconde de l’énergie de cohésion au voisinage de son minimum :

\(M = d_0 {\left( \frac{d^2U}{dd^2}\right) }_{d_0}\)

Dilatation thermique

La dilatation thermique des matériaux est liée à leur énergie de cohésion. Si une élévation de température est imposée à un matériau, les atomes le constituant vibrent autour de leur position d’équilibre du fait de l’agitation thermique. Or, on constate que la courbe représentant les variations de l’énergie de cohésion en fonction de la position atomique n’est pas symétrique autour de son minimum (voir Fig.). Il en résulte que la force de répulsion entre deux atomes qui se rapprochent est plus importante que la force d’attraction entre deux atomes qui s’écartent. Il s’ensuit que lors d’une élévation de température, les vibrations des atomes se font avec une amplitude plus grande dans le sens de l’écartement que dans le sens du rapprochement. Ceci donne lieu à une dilatation thermique macroscopique du matériau. Notons que la dilatation thermique est d’autant plus faible que l’énergie de cohésion est plus forte (puits de potentiel profond).

Dissymétrie de l'énergie et de la force de cohésion au voisinage de l'équilibre | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
Dissymétrie de l'énergie et de la force de cohésion au voisinage de l'équilibreInformations[2]

Cette dilatation peut s’exprimer simplement par un coefficient en calculant la déformation d’un matériau sous la seule influence d’une variation de température : \(\epsilon_{dilatation  thermique} = \frac{\Delta L}{L_0} = \alpha \Delta T\)

et donc :

\(\alpha = \frac{1}{L_0} \frac{\Delta L}{\Delta T}\)

\(L_0\) représente la longueur initiale du cristal et \(\Delta L\) la variation de longueur résultant de la variation de température.

Le coefficient de dilatation linéaire des métaux usuels est de l’ordre de \(10^{-5}\) (par °C). Dans le cas des céramiques, ce coefficient est inférieur de moitié environ et peut même être proche de 0 (silice hexagonale / quartz). Dans le cas des matières plastiques, le coefficient de dilatation est environ 10 à 100 fois supérieur à celui des métaux.

Quelques ordres de grandeur

Le premier des trois tableaux qui suivent met en relation quelques propriétés physiques et mécaniques avec la nature de la liaison du matériau considéré.

Le deuxième tableau donne quant à lui, pour les éléments du tableau périodique, des valeurs numériques de certains paramètres caractéristiques : la température de fusion, le coefficient de dilatation et la résistivité électrique.

Le dernier tableau indique les valeurs numériques de la température de fusion, du module de Young et du coefficient de dilatation pour quelques matériaux industriels emblématiques à liaisons ioniques ou covalentes, à liaisons métalliques ou à liaisons faibles.

Principales caractéristiques des liaisons et propriétés qui en découlent

Type de liaison

Exemple et énergie de liaison (eV/at)

Nature de la liaison

\(T_f\)

température de fusion

\(E\)

module de Young

\(\alpha\)

coefficient de dilatation linéique

\(\sigma\)

conductivité électrique

ductilité

Covalente

Diamant (7,0)

électrons partagés et localisés

élevée

élevé

faible

faible

faible

Ionique

\(\ce{NaCl}\) (3,3)

échange d’électrons ; attraction électrostatique

élevée

élevé

faible

faible

faible

Métallique

\(\ce{Na}\) (1,1)

\(\ce{Cu}\) (3,5)

\(\ce{Ti}\) (4,8)

mise en commun d’électrons délocalisés

moyenne – élevée

moyen – élevé

moyen – faible

moyenne – élevée

élevée

De Van der Waals

\(\ce{H2}\) (0,1)

\(\ce{CH2}\) (0,1)

\(\ce{Cl2}\) (0,3)

attraction dipolaire

faible

faible

élevé

faible

moyenne – faible

Propriétés liées à la structure | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
Propriétés liées à la structureInformations[4]
Caractéristiques de quelques matériaux : température de fusion, module de Young et coefficient de dilatation linéique

Matériau

\(\theta_f\)\((\textrm{°C})\)

E \(\textrm{(GPa)}\)

\(\alpha\)\((1/\textrm{°C}/10^6)\)

Liaisons ioniques ou covalentes

\(\ce{TiC}\)

3180

315

7,4

\(\ce{SiC}\)

>2800

480

4,7

\(\ce{MgO}\)

2850

210

13,5

\(\ce{ZrO2}\)

2750

205

10,0

\(\ce{C}\) (fibres)

>2500

400

--

\(\ce{Al2O3}\)

2050

380

8,8

\(\ce{SiO2}\) (verre)

>1600

72

0,5

Liaisons métalliques

\(\ce{Mo}\)

2610

324

4,9

\(\ce{B}\)

2030

400

8,3

\(\ce{Ti}\)

1660

116

8,4

\(\ce{Fe}\)

1535

210

11,8

\(\ce{Ni}\)

1453

210

13,3

\(\ce{Cu}\)

1083

110

16,5

\(\ce{Al}\)

660

70

23,6

\(\ce{Mg}\)

649

44

25,2

\(\ce{Zn}\)

420

84

39,7

\(\ce{Pb}\)

327

14

29,3

\(\ce{Sn}\)

232

43

23,0

Liaisons faibles (Van der Waals, pont hydrogène)

Polyéthylène b. d.

115

0,2

210

Polychlorure de vinyle

130

2,4

54

Epoxy

--

2,4

72

Polyester

--

5,0

75

Aramide (fibres)

--

130

--

Os cortical

--

18

0

Bois (pin)

--

10

--