Habitus : théorie de Wulff

De nombreuses études traitent de morphologie, habitus et faciès d'un cristal sans vraiment les différencier.

Définitionhabitus

La morphologie[1], ou habitus[2], ou structure cristalline, d'un cristal représente la forme géométrique du cristal au sens cristallographique (notion thermodynamique).

Attention

En minéralogie, le terme d'habitus est utilisé pour décrire la forme extérieure d'un minéral.

Définitionfaciès

Le faciès[3] est la forme extérieure du cristal, qui est la conséquence du développement relatif des faces entre elles.

Exemple

Pour exemple, voici des cristaux de molybdate de strontium (SrMoO4, obtenus par précipitation à 25°C, pour des concentrations de 4 à 100 mol/m3) présentant la même morphologie mais des faciès différents :

Cristaux de SrMoO4
Cristaux de SrMoO4
Cristaux de SrMoO4
Cristaux de SrMoO4

La morphologie[1] peut être déterminée à partir des structures cristallographiques et de la notion d'énergie interfaciale (notion cinétique).

De nombreux travaux ont été menés sur des cristaux macroscopiques vis-à-vis de la détermination de la taille des faces et de la mesure des angles entre les faces. Peu d'entre eux ont réussi à expliquer la forme d'équilibre du cristal, jusqu'à Gibbs en 1878 qui a été le premier à décrire la forme d'un cristal selon une approche thermodynamique.

Il décrit la forme d'équilibre d'un cristal comme celle qui minimise son énergie libre totale. L'énergie libre totale d'un cristal est le résultat de la somme des énergies libres du volume, des surface, des arêtes et des angles/coins/nœuds du cristal.

La condition de Gibbs[4] (voir le dernier paragraphe de la partie Équilibre mécanique des interfaces[5]), s'écrit

\[\mathrm{min}\sum {\sigma }_{k}{\Omega }_{k}\]

\[{\sigma }_{k}\] est l'énergie libre spécifique de la face \[k\] et \[{\Omega }_{k}\] la surface de la face \[k\].

Pour deux cristaux de volume égal celui qui a une énergie de surface minimale est celui qui est le plus proche de la forme d'équilibre.

Les études de Gibbs ont démontré que l'énergie libre des arêtes et des angles/coins est surtout importante pour les petits cristaux.

À partir de la théorie de Gibbs, Wulff a établi une relation entre les faces individuelles de la forme d'équilibre et leurs énergies spécifiques de surface.

Cependant si l'approche de Wulff est macroscopique, elle ne prend pas en compte le détail de la structure cristalline.

Plus tard une alternative à la théorie de la forme d'équilibre thermodynamique est apparue. Celle-ci décrit la croissance comme un mécanisme cinétique de progression de marches en croissance sur une surface.

À partir de ce nouveau concept, Bravais et Hartmann et Perdok ont proposé des méthodes qualitatives de prévision de l'habitus stable d'un cristal. L'énergie de surface du cristal dépend surtout des énergies des liaisons chimiques entre ses constituants.

Hartmann et Perdok ont constaté que les fortes liaisons chimiques sont celles qui libèrent la plus grande quantité d'énergie, pendant le processus de cristallisation permettant ainsi l'obtention de l'énergie minimale plus rapidement (théorème de Gibbs).

Ils ont défini les chaînes de liaison périodiques ou PBC (periodic bond chains). Ce sont des chaînes de liaisons fortes ininterrompues et infinies entre éléments de la structure cristallographique. Les éléments peuvent être des ions, des molécules, des atomes ou des complexes. Les PBC sont stœchiométriques et n'ont pas de moment dipolaire perpendiculaire à leur direction.

De plus, les faces d'un cristal peuvent être classifiées en fonction de l'orientation des PBCs.

Les faces lisses F (Flat) ont plus de deux PBCs orientées selon la surface et fortement liées entre elles.

Les faces à gradins S (Step) ont des PBCs non-orientées le long de la surface et les liaisons entre PBCs sont moins fortes.

Les faces K (Kink) sont couvertes de nœuds et ne contiennent aucune PBC selon la direction de la face.

La théorie de Hartman-Perdock peut être reliée à la détermination de la morphologie du cristal.

Les faces S et K vont croître très vite parce que elles sont moins coûteuses en énergie. Par contre, les faces F ont une vitesse de croissance lente. Ainsi, ce sont les faces F qui seront visibles dans le cristal final. Les changements de morphologie seront alors dues aux faces F, présentant une vitesse de croissance différente.

Les faces S et K ont une énergie nulle, elles auront une vitesse de croissance importante et elles vont donc croître selon un mode rugueux.

L'habitus d'équilibre du cristal estimé par la théorie thermodynamique a un intérêt limité, parce que la croissance continue hors équilibre. Cet éloignement de l'équilibre augmente avec la taille des cristaux, la concentration de soluté, la sursaturation, la vitesse de croissance et la concentration des impuretés, et en fonction du type d'interaction solvant-soluté.

L'énergie libre du cristal en croissance est souvent plus grande que celle du cristal à l'équilibre (cristal théorique à l'équilibre thermodynamique).

Les autres facteurs influençant l'habitus du cristal sont les défauts cristallins, et la rugosité de surface. Ces facteurs diminuent l'importance de connaître la forme d'équilibre. Ainsi la connaissance de la forme d'équilibre du cristal (ou forme théorique) ne présente pas de réel intérêt, car le faciès du cristal obtenu en fin d'opération est souvent très différent du cristal théorique.