Empilements aléatoires de sphères de tailles égales

Pour les empilements formés de sphères de tailles égales un premier constat est que la porosité dépend de la façon dont le lit de sphères est formé. On peut identifier trois états reproductibles. Si on verse des sphères dans un récipient, on obtient un empilement "lâche" de porosité \(\varepsilon = 0,40\). Si ensuite on compacte ce lit, par exemple par vibration, on tend vers une empilement "compact" de porosité \(\varepsilon = 0,36\). Si en revanche, au lieu de compacter on le décompacte par un écoulement de fluide ascendant, jusqu'à la "limite de fluidisation" quand la perte de charge du fluide est égale au poids du lit la porosité est \(\varepsilon \approx 0,47\). Cette dernière valeur peut être comparée à celle d'un empilement cubique à la limite de la stabilité mécanique d'une coordination 6. Parmi ces possibilités, celui de l'empilement compact a fait l'objet de nombreuses études car il a été pris comme modèle de l'état liquide. En particulier Scott [*] a déterminé la compacité limite comme d'un empilement aléatoire de sphères égales de \(c = 0,6366 \pm 0,0008\) (porosité \(\varepsilon = 0,3634 \approx 2/\pi\)). Si on obtient des compacités plus élevées cela indique des zones ordonnées ou « cristallisés ».

Effet de paroi

Un problème rencontré lors de la détermination de la valeur limite de la porosité compacte est celui du rôle de la paroi du conteneur qui impose un ordre de 2D sur les sphères qui y sont en contact. La figure ci-dessous montre la variation de porosité en fonction du nombre de sphères à partir d'une paroi plane.

Variation de porosité locale près d'une paroi plane | IMT Mines Albi | Informations complémentaires...Informations
Variation de porosité locale près d'une paroi planeInformations[2]

Puisque les sphères ne peuvent pas pénétrer dans la paroi, au niveau de celle-ci la porosité est \(\varepsilon = 1,0\). Par ailleurs, du fait de l'alignement des sphères à la paroi il y a une surconcentration de centres de sphères à une distance d'un rayon de sphère, à cette distance la porosité est très faible et proche de \(\varepsilon = 0,2\). Ensuite la porosité remonte et redescend en plusieurs sinusoïdes pour atteindre la porosité globale (\(\varepsilon \approx 0,36\)) quand la structure du lit a "oublié" la présence de la paroi. Cette élévation de la porosité près d'une paroi peut avoir une influence sur les propriétés des lits, notamment en ce qui concerne l'écoulement des fluides. Le Goff [*] a proposé que dans les calculs pratiques la variation sinusoïdale progressive soit remplacée par une seule couche à la paroi d'épaisseur \(D/2\) et de porosité \(\varepsilon = 0,55\). Également dans la pratique, on s'arrange pour que le diamètre d'un récipient soit plus grand que 20 diamètres de grain afin que l'effet de paroi soit négligeable sur les propriétés globales des empilements. Par contre, si la surface de la paroi est irrégulière comme indiqué sur la figure suivante, il n' y a pas de structure imposée.

(a) "Cristallisation" de l'empilement près d'une paroi plane ; (b) Empilement aléatoire près d'une paroi irrégulière | IMT Mines Albi | Informations complémentaires...Informations
(a) "Cristallisation" de l'empilement près d'une paroi plane ; (b) Empilement aléatoire près d'une paroi irrégulièreInformations[4]

La figure suivante montre la méthode utilisée par Scott pour corriger pour l'effet de paroi et de fond des récipients lors de la détermination des porosités des empilements. Il a utilisé plusieurs récipients de diamètres différents pour extrapoler la valeur à un diamètre de récipient infini ou l'empilement a "oublié" l'effet de la paroi. Les résultats indiqués sur la figure sont en effet des résultats des expériences de plusieurs hauteurs d'empilement extrapolés vers celui d'un empilement de hauteur infinie qui a "oublié" l'effet de la base du récipient.

Expériences de Scott | IMT Mines Albi | Informations complémentaires...Informations
Expériences de ScottInformations[6]

La distribution radiale de porosité

Le fait que l'empilement compact soit un état reproductible a permis des études expérimentales pour déterminer sa structure fine. Une des principales études est celle de Bernal [*] et de Bernal et Finney [*] qui, en prenant des précautions pour éviter l'effet de paroi, ont construit un empilement aléatoire compact de quelque 8 000 billes de roulement. En démontant l'empilement bille par bille, ils ont relevé les coordonnées des centres de chaque bille. L'étude par ordinateur de ces coordonnées permet de révéler plusieurs caractéristiques de la structure des empilements.

Par exemple, ils ont déterminé la fonction de distribution radiale définie comme le nombre moyen de centres de sphères par unité de surface dans une couche radiale à partir du centre d'une sphère donnée. La figure 9 montre les résultats qui ne sont pas sans rappeler l'effet de paroi mais dans le cas présent la paroi est la surface de la sphère prise comme référence. La séquence des pics et des creux indique qu'il existe une structure quasi-ordonnée autour de chaque bille dans l'empilement, qui se disperse en désordre après quelques couches. Le premier pic correspond aux sphères de la première couche en contact avec la sphère centrale. Plus loin il y a des minima à 1,4 ; 2,2 ; 3,1 et 4,1 diamètres et une uniformité au-delà où il n'y a plus de structure. La distribution radiale dans des empilements de sphères est semblable à celle qui est révélée par diffraction de rayons X dans les liquides et consacre la notion de non cristallinité qui est l'essence des liquides.

Distribution radiale autour d'une sphère donnée | IMT Mines Albi | Informations complémentaires...Informations
Distribution radiale autour d'une sphère donnéeInformations[8]

La coordination de contacts entre sphères

Les contacts entre sphères dans les empilements réguliers sont clairs et la coordination donnée sur le tableau est définie de façon non équivoque. En revanche dans un empilement aléatoire il est difficile de définir ce qu'est un "contact". Considérons les cas indiqués sur la figure suivante. Les contacts 1 et 2 sont de véritables contacts entre deux sphères qui se touchent. Il y a cependant une différence entre les deux cas dans le sens ou une force appuyée sur le haut de l'empilement sera transmise par le contact 1 mais pas par le contact 2. Le contact 1 est un contact "actif" alors que le contact 2 est un contact "passif". D'autre part le point 3 n'est pas un vrai contact car les sphères ne touchent pas. Cependant on peut dire qu'il y un contact "proche" qui a une importance pour définir la structure poreuse dans cette partie de l'empilement. En plus dans le cas de sollicitations sur l'empilement, il peut y avoir des légers réarrangements structuraux et des contacts "passifs" ou "proches" peuvent devenir actifs. La notion de contact "proche" peut être étendue plus loin pour prendre en compte des contacts dits de "voisinage". La figure ci-dessous présente des réseaux de contraintes dans un empilement 2D déterminé par simulation sur ordinateur par Thornton et Barnes [*]. Dans le cas (a) une force isotropique est exercée et dans le cas (b) une force unidirectionnelle est exercée. On voit que contrainte se transmet à travers l'empilement par des points de contact entre les grains et que le réseau de contraintes se forme en fonction des sollicitations.

Différents types de contact | IMT Mines Albi | Informations complémentaires...Informations
Différents types de contactInformations[10]
Réseau de transmission de force simulé par ordinateur : (a) isotrope ; (b) directionnel | IMT Mines Albi | Informations complémentaires...Informations
Réseau de transmission de force simulé par ordinateur : (a) isotrope ; (b) directionnelInformations[12]

La coordinance géométrique d'un empilement statique sans contrainte autre que gravitaire a été déterminée par Bernal et Finney. Ils confirment des résultats obtenus antérieurement par des méthodes plus rustiques. En 1727, S. Hales en Angleterre (œuvre traduite en français par Buffon en 1735) a rempli une cocotte avec des petits pois secs, les a fait gonfler en ajoutant de l'eau pour les réhydrater et, on démontant l'amas ainsi forme, il a compté le nombre de faces plates sur chaque petit pois. Par cette méthode, il a trouvé que chaque sphère ainsi gonflée touche environ 12 à 14 voisines. Une autre méthode mise en œuvre dans les années 1920 consiste à former un empilement de sphères métalliques, de verser un acide dans l'empilement et après évacuation de la solution, compter les taches formées sur chaque sphère par la rétention capillaire aux contacts. Cette méthode permet de distinguer les contacts réels, proches et de voisinage. Les résultats sont les suivants :

  • Les contacts véritables où la distance entre deux sphères \(L = D\) : on trouve 6, ce qui correspond au critère de stabilité de chaque sphère se reposant sous gravité sur trois autres.

  • Les contacts proches pour lesquels la distance L entre deux sphères est \(D < L < 1,1D\) sont de l'ordre de 7 à 9 contacts par sphère.

Pour les contacts de voisinage, on trouve un maximum de 12. Cette valeur a été l'objet de débats depuis l'Antiquité car si on se fixe 12 sphères autour d'une sphère centrale, il existe un espace libre que certains ont imaginé pouvant accepter une 13e sphère. D'ailleurs le calcul basé sur l'angle solide soutenu par une sphère sur une autre donne la valeur de 13,4. Isaac Newton à participé à cette discussion et conclu que, pour des raisons d'encombrement mutuel, 12 devrait être le maximum de coordination de voisinage. Ce résultat a n'été confirmé qu'en 1998 par T.C.Hales [*] qui ont fait une étude sur ordinateur pour prouver la conjecture de Kepler (datant de 1611) c'est à dire que l'empilement tétraédrique a coordination 12 est l'empilement le plus dense possible de sphères égales.

La figure 12 montre la variation de coordination entre deux empilements lâche \(\varepsilon = 0,40\) et dense \(\varepsilon = 0,36\). Il est tentant de relier la coordinance à la porosité et le tableau 1 qui indique que le produit porosité fois coordinance est une constante qui vaut approximativement 3. Rumpf [*] a établi l'expression empirique suivante :

\(Z\varepsilon=\pi\)

Coordination de contact : emiplements lâche et compacte | IMT Mines Albi | Informations complémentaires...Informations
Coordination de contact : emiplements lâche et compacteInformations[14]