Le minimum de fluidisation : sa mesure et son calcul théorique et pratique

L'état fluidisé débute lorsque la vitesse du gaz est suffisante pour pouvoir « porter » les particules.

DéfinitionÉtat de fluidisation

En d'autres termes, l'état de fluidisation est déclaré exister lorsque la chute de pression subie par le gaz à la traversée de la couche de solides est égale au poids du lit (celui des particules et celui du gaz interstitiel) par unité de surface de section du réacteur.

\(\Delta \wp \cdot A_c = \textrm{poids du réacteur}\)

\(A_c = \textrm{aire du réacteur}\)

Cette égalité revient aussi à dire que la fluidisation débute lorsque la vitesse du gaz est telle que la chute de pression motrice divisée par la hauteur de la couche de solides est égale au poids volumique apparent des solides du lit.

Cette équation s'écrit aussi : \(\frac{\Delta \wp}{L}=\left(1-\varepsilon\right).\left(\rho_p-\rho \right)\cdot g\)

\(L\) est la hauteur du lit et \(P\) la pression motrice, \(\rho\), \(\rho_p\), respectivement la masse volumique du gaz et la masse volumique apparente des particules, \(g\) l'accélération de la gravité et \(\varepsilon\) la porosité (ou le taux de vide) du lit de particules.

Attention

Bien noter la différence entre pression, pression motrice, poids des particules, poids du lit, poids volumique apparent des particules. Bien noter aussi qu'il s'agit bien de la masse volumique apparente des particules et que cette masse volumique des particules n'est pas la masse volumique en vrac des particules.

Question / Réponse

Question

Citer les trois masses volumiques essentielles qui peuvent être définies pour le cas de solides divisés.

Réponse

Au delà de la vitesse de gaz permettant la mise en fluidisation des particules, la chute de pression reste constante car il y a expansion du lit pour faire plus de place au passage du gaz ou il y a aussi apparition de bulles. L'identification empirique du minimum de fluidisation s'effectue grâce au repérage par des prises de pression pariétale de la perte de pression à la traversée du lit, soit en accroissant la vitesse de gaz, soit en partant d'une valeur élevée et en la diminuant. L'évaluation empirique du minimum de fluidisation s'opère, comme l'induit sa définition, en mesurant la différence de pression pariétale du gaz traversant la couche de solides pour des vitesses croissantes, ou mieux décroissantes, de gaz. À vitesse de gaz décroissante, lorsque la différence de pression cesse d'être constante (et égale au poids du lit) c'est que le lit est en train de se défluidiser. A vitesse de gaz croissante, lorsque la différence de pression cesse de croître et devient constante, c'est que la vitesse minimale de fluidisation a été atteinte puis dépassée. Si la vitesse de gaz est encore accrue, la différence de pression ne croîtra pas pour autant car le poids du lit ne change pas tant qu'aucune particule ne s'envole hors du lit fluidisé. La vitesse minimum de fluidisation est à chaque fois repérée par identification de l'intersection entre l'horizontale définissant la différence de pression constante et égale au poids par unité de surface et la courbe (généralement une droite) donnant la variation de la différence de pression avec la vitesse de gaz lorsque le lit est à l'état fixe.

Attention

La fluidisation n'est pas un état du lit de particules qui n'existe que pour une et une seule vitesse de gaz mais au contraire un état du lit de particules qui débute lorsque le gaz est alimenté avec un débit générant une vitesse de gaz dans le réacteur au moins égale la vitesse minimale de fluidisation, et pour une gamme importante de vitesses de gaz supérieures à cette vitesse minimale.

Remarque

Si la vitesse croît encore, alors elle sera telle que le gaz pourra entraîner définitivement des particules hors du lit fluidisé. C'est l'entraînement qui est ainsi initié. Les particules envolées ne sont plus « comptabilisées » par la mesure de la différence de pression : donc cette mesure décroît autant que le poids de particules le lui impose.

Question / Réponse

Question

Interpréter la figure ci-après pour décrire l'apparition et les transitions des trois régimes d'écoulement : lit fixe, lit fluidisé, et entraînement.

Réponse

Le calcul de la vitesse minimale de fluidisation \(U_{mf}\), c'est-à-dire de la plus petite vitesse superficielle du gaz permettant d'avoir la condition énoncée ci-dessus, s'effectue en revenant à la définition de l'état fluidisé qui prône que le gradient de la différence de pression motrice entre bas et haut de la couche est égale au poids apparent volumique de solides.

\(\frac{\Delta \wp}{L}=\left(1-\varepsilon\right).\left(\rho_p-\rho \right)\cdot g\)

On sait par ailleurs que, lorsque le lit de particules est à l'état fixe, la perte de pression motrice du fluide à la traversée de la couche est gouvernée par la loi d'Ergun :

\(\frac{\Delta \wp}{L}=150\mu U \left[\frac{\left(1-\varepsilon\right)^2}{D_{SV}^2\varepsilon^2}\right]+1,75G\cdot U\left[\frac{\left(1-\varepsilon\right)}{D_{SV}\varepsilon^3}\right]\).

On élimine alors le gradient de pression motrice entre l'équation de définition de la fluidisation et la loi d'Ergun, la loi d'Ergun étant donc utilisée ici en limite d'applicabilité, car avec une vitesse correspondant à la plus grande vitesse de gaz traversant la couche de particules à l'état fixe.

Remarque

Les coefficients 150 et 1,75 peuvent être adaptés selon les conditions d'utilisation de la loi.

Remarque

La taille des particules est celle donnée par leur diamètre "surface-volume" \(D_{SV}\) de la sphère ayant la même surface spécifique que les particules ou que la particule moyenne.

Remarque

Ergun a écrit le second terme de droite de la loi avec le produit \(G\cdot U\) (\(G\) étant le débit massique de gaz par unité de surface donné par \(\rho \cdot U\)) comme donné ci-dessus.

Remarque

Pour les gaz, la pression motrice \(\wp\) est souvent égale à la pression \(P\).

Remarque

\(\varepsilon\) est la porosité interparticulaire du lit au minimum de fluidisation et est généralement notée \(\varepsilon_{mf}\).

Remarque

\(U_{mf}\) d'un lot de particules est différente de la vitesse terminale de chute libre d'une particule isolée \(U_{\rm ter}\) donnée par l'équation d'équilibre suivante :

\(\left(\pi D^2/4\right)1/2\rho U_{\rm ter} C_D = \left(\rho_p - \rho\right) g \left( \pi D^3 /6 \right)\) avec par exemple \(C_D=24/R_e\) lorsque les particules sont de petite taille. Dans ce cas la vitesse terminale de chute libre est donnée par \(U_{\rm ter}=\frac{\left(\rho_p - \rho\right) g D^2}{18\mu}\). La vitesse terminale de chute libre (descendante) d'une particule peu être vue autant comme la vitesse limite atteinte par la particule sous l'influence de la gravité et du frottement du fluide à sa périphérie, que comme la vitesse du fluide (ascendante) qui permet à une particule de rester en sustentation immobile dans le flot d'air ascendant sous l'influence des deux forces déjà énoncées.

On pourra trouver dans le cas de particules ou fines ou grossières une indication du rapport entre la vitesse terminale et de la vitesse minimale de fluidisation en simplifiant la formule du calcul de cette dernière en ne conservant que le terme en \(U\) ou celui en \(GU\) selon que les particules sont respectivement petites ou de grande taille. Pour des particules fines, l'ordre de grandeur de \(U_{\rm terminale}\) rapportée à \(U_{mf}\) est d'environ 80, soit un ordre de grandeur de 100. Pour des particules grossières, il tombe à 9 environ soit l'ordre de grandeur de 10. Ainsi paradoxalement, ces ratios tous plus grands que 1, signifient que fluidiser, c'est-à-dire porter, un lit de particules réclame moins de vitesse superficielle de gaz que de soutenir une seule de ces particules.

Bien souvent on ne possède pas toutes les informations nécessaires à la résolution mentionnée ci-dessus et on est amené à résoudre une autre équation où on a préféré remplacer le diamètre surface-volume \(D_{SV}\) par le diamètre volume \(D_V\) moyennant l'introduction de la sphéricité des particules \(\phi_S\) par :

\(D_{SV}=\phi_S D_V\).

Soit, en introduisant également les deux nombres sans dimension que sont le nombre d'Archimède \(Ar\) et le nombre de Reynolds dit particulaire au minimum de fluidisation \(Re_{mf}\), l'équation suivante à résoudre :

\(\left[150\left(1-\varepsilon\right)\phi^2_S\varepsilon^3 \right]\cdot\left(\rho U_{mf}D_V/\mu\right)+\left[1,75/\phi_S\varepsilon^3 \right]\cdot\left(\rho U_{mf}D_V/\mu\right)^2=Ar\)

avec :

\(Ar=\left[\rho\left(\rho_p-\rho\right)gD_V^3\right] / \mu^2\)

et

\(Re_{mf}=\rho U_{mf}D_V / \mu\)

On résout alors \(Re_{mf}\) en fonction de \(Ar\), puis \(U_{mf}\) en fonction de \(Re_{mf}\).

Toutefois cela ne suffit généralement pas car, ni la sphéricité des particules \(\phi_S\), ni la porosité du lit au minimum de fluidisation \(\varepsilon\) généralement notée\( \varepsilon_{mf}\) ne sont faciles à connaître surtout dans le cas de solides qui n'ont pas encore été produits ou caractérisés. Wen et Yu (lien vers référence) ont donc proposé d'éliminer les deux paramètres gênants de l'équation précédente (sphéricité et porosité), en remplaçant les deux fractions qui les impliquent dans le terme en \(U\) et celui en \(U^2\) par des constantes. Ces constantes sont identifiées en imposant les deux formes des expressions fractionnaires à des résultats expérimentaux de la littérature et en les égalant à un nombre qui minimise l'erreur entre les deux modèles et les points empiriques, soit les deux expressions :

\(\frac{\left(1-\varepsilon_{mf}\right)}{\phi_S^2 \varepsilon_{mf}^3}=11\)

et

\(\frac{1}{\phi_S \varepsilon_{mf}^3}=14\).

L'équation permettant de calculer le Reynolds particulaire au minimum de fluidisation en fonction du nombre d'Archimède est alors considérablement simplifiée. En remplaçant les deux valeurs empiriques dans l'équation :

\(\left[150\left(1-\varepsilon\right)\phi^2_S\varepsilon^3 \right]\cdot\left(\rho U_{mf}D_V/\mu\right)+\left[1,75/\phi_S\varepsilon^3 \right]\cdot\left(\rho U_{mf}D_V/\mu\right)^2=Ar\)

on obtient :

\(24,5Re_{mf}^2+1650Re_{mf}-Ar=0\) qui se résout en :

\(Re_{mf}=\left[33,7^2+0,0408Ar\right]^{0,5}-33,7\)

Cette équation donne généralement une prédiction de \(U_{mf}\) jugée le plus souvent satisfaisante. L'écart calculs - mesures basé sur les 284 points de l'article original est de \(\pm{}{25}{\, \rm \%}\).

Pourtant la démarche de Wen et Yu est intrinsèquement discutable voire même fausse. En effet, corréler par deux équations différentes reliant les mêmes deux paramètres, une série de couples mesurés, puis utiliser les deux corrélations à la fois consiste en ne pas choisir la corrélation permettant de calculer la porosité en fonction de la sphéricité, comme si pour une même sphéricité on pouvait avoir deux résultats différents par les deux corrélations. Par ailleurs, en utilisant ensemble les deux relations de Wen et Yu tel qu'eux-mêmes le font dans la simplification du calcul de \(U_{mf}\), on peut tout simplement résoudre en porosité et sphéricité et on obtiendra deux solutions uniques qui sont les points d'intersection des deux courbes : (0.4744 , 0.6689) et (0.9303 , 0.0887)

On peut encore aller plus loin que la simplification proposée par Wen et Yu pour se rapprocher des informations que l'on possède réellement sur la taille des solides. On peut notamment remplacer le diamètre volume \(D_V\) par le diamètre obtenu par une mesure obtenue par tamisage \(D_t\). On peut ainsi utiliser des relations suivantes prônées par Kunii et Levenspiel :

  • pour des particules irrégulières sans dimension plus grande ou plus courte que d'autres, on suppose : \(D_V\approx D_t\),

  • si une dimension est plus grande que les autres sans dépasser un ratio de 2 : \(D_v \approx (1/\phi_S)D_t\),

  • si une dimension est plus petite que les autres sans dépasser un ratio de 0,5 : \(D_v \approx \phi_S D_t\),

Ou bien des relations de type empirique, qui ne sont en général valables que pour un matériau donné ; par exemple les relations empiriques établies pour des particules de sable : \(D_{SV} \approx 0,87 D_t\) utilisable dans la résolution de la vitesse minimum de fluidisation par Ergun sans simplification de type de celle de Wen et Yu. Ou bien encore \(D_V \approx 1,13 D_t\) utilisable dans la résolution par la corrélation proposée par Wen et Yu.