Forces de double couche électrique

L'analyse théorique commence comme la théorie de Debye et Hückel pour les solutions ioniques. En solution aqueuse, les particules possèdent le plus souvent une charge électrique, la solution étant elle-même ionique. Cette charge électrique est due à l'ionisation de certains groupes fonctionnels à la surface de la particule ou à un transfert d'ions à l'interface particule/solution. Le potentiel électrique \[\phi \] dans la solution obéit à l'équation de Poisson :

\[\Delta \phi =-\frac{{\rho }_{q}}{\varepsilon }=-\frac{\sum {c}_{i}{z}_{i}F}{\varepsilon }\]

avec \[\varepsilon ={\varepsilon }_{r}{\varepsilon }_{0}\]

\[{c}_{i}\], la concentration de l'ion \[i\] de charge \[{z}_{i}\], suit la statistique de Maxwell-Boltzmann :

\[{c}_{i}\left({ \vec r}\right)={c}_{i}^{\infty }{e}^{-}\frac{{z}_{i}{F\phi}}{{R}_{g}T}\]

Considérons d'abord une particule isolée.

Supposons que la charge surfacique soit négative (le potentiel électrique de surface sera noté \[{\phi }_{0}\]). Le grain sera donc entouré par un nuage constitué essentiellement d'ions positifs. Une couche d'ions positifs peut s'adsorber à la surface du grain. On parle alors de couche de Stern. Le potentiel électrique correspondant, qui est un potentiel de surface modifiée, est notée \[{\phi }_{d}\]. Au delà, on a affaire à une couche diffuse (dite de Gouy-Chapman), caractérisée par un potentiel électrique calculable à partir de l'équation de Poisson[1] et de l'expression de Maxwell-Boltzmann[2] (voir théorie de Debye-Hückel) :

\[\phi ={\phi }_{0}{e}^{-\mathrm{Kx}}\]

pour une particule plane ; \[x\] représente la distance entre le plan (la surface plane de la particule) et un point dans la solution.

À la surface d'une particule de charge négative en surface, les ions de la solution se répartissent pour former une couche mince positive
Informations[3]

La seule différence avec la théorie de Debye-Hückel réside dans la nature de l'objet chargé : dans la théorie des solutions ioniques, l'objet chargé est un ion (de référence) ; dans la théorie de l'agrégation[4], c'est une particule.

Le paramètre clef est la longueur de Debye-Hückel[5] (\[{K}^{-1}\][5] ) ou épaisseur de double couche égale à :

\[{K}^{-1}={\left(\frac{\varepsilon {k}_{B}T}{{2N}_{A}{e}^{2}I}\right)}^{1/2}\]

\[I\]est la force ionique de la solution.

La grandeur la plus facilement accessible expérimentalement n'est ni \[{\phi }_{0}\], \[{\phi }_{d}\] ni , mais le potentiel \[\zeta \]. Ce dernier, qui est obtenu par une méthode électrophorétique, est le potentiel électrique relatif au plan de cisaillement : le champ électrique provoque le déplacement d'une particule et d'une partie de la solution qui l'entoure. L'objet en mouvement a une frontière fictive, qui est la surface de cisaillement. Champ électrique \[\stackrel{\to }{E}\]et vitesse \[\stackrel{\to }{u}\]sont alors reliés par l'équation :

\[\stackrel{\to }{u}=\frac{\varepsilon \zeta }{\mu }\stackrel{\to }{E}\]

\[\mu \][6] est la viscosité dynamique[6] du solvant. L'usage est de considérer l'égalité entre les différents potentiels électriques :

\[{\phi }_{o}={\phi }_{d}=\zeta \]

alors qu'en fait

\[\mid {\phi }_{o}\mid >\mid {\phi }_{d}\mid >\mid \zeta \mid \]

Il faut noter que le potentiel de surface peut être estimé en considérant la chimie de surface, c'est-à-dire les différents équilibres chimiques existant à la surface du grain.

Considérons maintenant deux surfaces planes chargées distantes de h.

Entre les deux plans se trouve une solution ionique. La connaissance des conditions aux limites permet de calculer le potentiel \[\phi \] et ni en tout point ( équation de Poisson[7] et expression de Maxwell-Boltzman[8]), comme précédemment. On peut en déduire la force entre ces deux surfaces de la façon suivante :

Le premier principe de la thermodynamique permet d'écrire

\[{dp}+{\rho }_{q}d\phi =0\]

d'où

\[{p}_{h}-{p}_{0}=-\underset{0}{\overset{{\phi }_{h}\left(0\right)}{\int }}{\rho }_{q}d\phi \mathrm{'}\]

On en déduit le potentiel d'interaction (répulsif)

\[{V}_{R}=-{\int }_{\infty }^{h}\left({p}_{h}-{p}_{0}\right){dh}\mathrm{'}\]

soit :

\[{V}_{R}=2\varepsilon K{\phi }_{0}^{2}{e}^{-\mathrm{Kh}}\]

Considérons maintenant deux particules sphériques chargées distantes de r baignant dans une solution ionique.

Le potentiel d'interaction répulsif \[{V}_{R}\] en est déduit :

\[{V}_{R}={\int }_{\infty }^{r}{\int }_{o}^{\phi \left(r/2\right)}{\rho }_{q}d\phi \mathrm{'}{dr}\mathrm{'}\]

Quand le potentiel de surface des particules \[{\phi }_{0}\] est constant (hypothèse la plus souvent admise), le potentiel d'interaction entre 2 particules identiques de rayon \[R\] est égal à

\[{V}_{R}=2\pi \varepsilon R{\left(\frac{{4k}_{B}T\gamma }{\mathrm{ze}}\right)}^{2}{e}^{-K\left(r-2R\right)}\mathrm{avec}\gamma =\mathrm{tanh}\left(\frac{\mathrm{ze}{\phi }_{o}}{{4k}_{B}T}\right)\]

Quand le potentiel de surface est suffisamment petit, l'expression précédente devient :

\[{V}_{R}=2\pi \varepsilon R{\phi }_{0}^{2}{e}^{-K\left(r-2R\right)}\]

Des expressions voisines ont été proposées pour des particules de tailles différentes :

\[{V}_{R}=2\pi \varepsilon \frac{{2R}_{1}{R}_{2}}{{R}_{1}+{R}_{2}}{\phi }_{0}^{2}{e}^{-K\left(r-{R}_{1}-{R}_{2}\right)}\]

En conclusion

  • la force de double couche électrique est répulsive ;

  • son intensité est d'autant plus élevée que le potentiel de surface (ou la charge de surface) est grand ;

  • son rayon d'action est d'autant plus grand que la force ionique est faible (on parle du rôle d'écrantage de la solution ionique).